Qu’est ce qu’un cellulogramme ?

Chaque cellulogramme est réalisé par des enfants de 8 à 17 ans sur un thème choisi avec un téléphone portable ou une tablette.

Ce concept pédagogique a été créé par Philippe Troyon - Cinéaste, responsable de l’éducation à l’image à Périphérie [Centre de Création Cinématographique]. La mise en oeuvre a été conçue avec Ariane Dreyfus, écrivaine, Julien Pornet, chef-monteur, Antoine Vaton, réalisateur.

Il a été développé avec le concours de France 5 TV [Curiosphère], Striana Production, Imaginem et avec le soutien du Conseil Général de la Seine-Saint-Denis. Il a concerné plus de trois cent élèves, une trentaine d’enseignants, plusieurs écoles primaires, collèges et lycées de la Seine-Saint-Denis.

Les travaux des élèves ont pu être exposés à Paris, au Centre Georges Pompidou, au Forum des Images, lors de deux éditions du festival Pocket Films. Aujourd’hui, cette approche innovante de l’image par les nouvelles technologies au sein de l’école, permet aux enseignants et aux élèves de partager l’histoire du cinéma, de la photographie, de la peinture, d’écrire de la poésie et de réfléchir autour de concepts philosophiques.

C’est une écriture. Images, mots, pixels sont les fragments d’un langage nouveau, issus d’un usage, d’une envie ou une perte de mémoire. Les cellulogrammes sont des petits films en plan séquence d’une minute faits par des enfants de 8 à 17 ans sur un thème choisi. Comme toute image suscite ou provient d’un désir d’écriture, ces tableaux intimes deviennent une sorte de carnet de poèmes, une pédagogie de l’image.


"Les cellulogrammes et les travail des mots"
Ariane Dreyfus - Ecrivaine

Aller vers la poésie :

Mon premier désir, c’est de faire sentir aux enfants qu’ils pourront faire confiance aux mots, qu’il sera peut-être même plus facile d’écrire que de filmer : dites un seul mot, il contiendra une présence humaine (techniquement c’est ce qu’on appelle « connotations »). Alors que la présence dans un plan, ce n’est pas donné facilement, il faut vraiment la faire advenir. Et j’espère que les textes y contribueront.
Mais à condition qu’ils existent aussi pour eux, pas seulement pour ce qui est filmé.
Faire accepter aussi aux enfants que c’est de la poésie qu’ils écriront avec moi, ce qui à mon sens veut dire plus d’air, de liberté, d’ouverture, pour que le texte et l’image ne soient pas collés l’un à l’autre, ne s’étouffent pas l’un l’autre. Ainsi il y aura peut-être du narratif, mais pas forcément, ou pas complètement. Pas d’impératif de véracité non plus, contrairement à l’autobiographie, du moins dans sa forme canonique :on pourra inventer des souvenirs qui seront vrais par l’émotion qu’ils dégagent pour celui qui les reçoit, lequel sera autant celui qui écrit que celui qui lit.

Pour toutes ces raisons, l’exercice de « La chambre d’échos » imaginé par Hubert Haddad est encore une fois fabuleux. J’amène une valise de recueils, j’étale ceux-ci sur une table, chacun vient en choisir un. Mais dès qu’on a regagné sa place, il n’est plus permis d’ouvrir le livre. Il faut attendre pour cela son tour d’être désigné par un meneur de jeu, de venir face aux autres, d’ouvrir au hasard le livre pour lire ce sur quoi nos yeux tombent, entre un à quatre vers . Celui qui lit découvre donc autant que ceux qui entendent. C’est une activité qui convient à tous les âges, je le sais pour l’avoir testée, et qui est toujours assez magique. Pas de meilleur révélateur de ce que peuvent des mots en compagnie d’autres mots quand ils ont été aimés (où les mots sont-ils mieux aimés que dans un poème ?). C’est aussi toucher du doigt à quel point ce n’est pas la quantité, l’accumulation qui fera leur force, au contraire (j’ai besoin très tôt de faire admettre à ceux que je vais faire écrire que certains écriront peut-être peu, mais que cela n’a aucune importance : le peu est aussi un mode d’écriture, essentiel même en poésie contemporaine). Enfin, cet exercice permet d’introduire un rapport affectif entre chacun et l’écriture de poésie par le biais du volume choisi : il a vécu l’appréhension de « mal tomber », il découvre que non, ce n’est jamais décevant, et monte alors en lui une bouffée de reconnaissance pour ce livre-ci ( en général, revenu à sa place, il ne peut s’empêcher de le feuilleter) : ce ne sont pas seulement ceux à qui il a lu qui ont reçu quelque chose, à lui aussi on a fait un cadeau, et ce cadeau vient du livre.
Ariane Dreyfus