Le mainate [le film] - de Guy Olivier - Philippe Troyon - France 3

Ce film est dédié à la chance et au hasard


Le mainate

un film de Guy Olivier avec Philippe Troyon
FRANCE 3 - 1998

Philippe Troyon, le miraculé, sauvé par sa baignoire !

L’EXPLOSION DU 45 RUE LECOURBE PARIS 15

Et oui, je suis un vrai miraculé pour avoir été au centre de cette explosion de gaz monstreuse qui a détruit mon immeuble et les environs ... et peut-être une part de moi-même.

Plus de 50 blessés (immeuble et co-latéraux) , 3 morts (après hospitalisation) ...

Heureusement, les parents venaient juste d’emmener les enfants à l’école.

« Je relativise la vie, lorsque les images et les sons de cette terrible explosion de gaz me rappellent une fois encore que tout est fragile. Entre mémoire vive et mémoire morte. Avec grande émotion et angoisse, ressurgit de mes pensées furtives - (ou lorsque le phénomène se reproduit ailleurs) - ce que j’ai réellement vécu dans mon immeuble en feu, qui a explosé par deux fois.

Dans l’incendie qui commençait à m’entourer de ses flammes, j’étais paralysé d’effroi, nu et vulnérable dans l’eau froide de mon bain... ma baignoire m’a sauvé parce qu’elle était en fonte parce que j’étais en immersion dans le souvenir des chants grégoriens du monastère trappiste d’où je revenais. Au 45, rue Lecourbe, Paris XV, le 04 septembre 1997 à 8h30, je suis devenu seul, ensanglanté, criblés de morceaux de verres ...

Ce ne sont pas les montagnes de briques, les débris épars, les longs morceaux de verre plantés comme des couteaux, qui m’effraient lorsque je revois ces images, c’est l’empreinte indélébile sur ma rétine, le son cosmique et brutal de cette "boule blanche" … l’éblouissement et l’explosion quasi atomique »

Je remercie ce valeureux pompier qui est venu me chercher et qui m’a couvert mon corps nu avec une couverture de survie dorée.
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« J’en parle de temps en temps, comme une preuve de l’existence et parce que l’événement revient avec ténacité. Les amis étaient là … Je sais bien çà n’est pas l’image d’une guerre ou d’une révolution. Cà n’est que celle d’un accident … du hasard. » 
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J’essaie de tirer toutes les leçons de cette expérience que je ne souhaite à personne. Tout le reste n’est que futilité et j’ai appris à relativiser puisque la chance m’a donné une seconde vie. Et l’une des traductions (une métaphore) que je fais de ces événements vécus pourrait être celle-ci :
 
« On est fait de langage. Qui abîme le langage, abîme l’homme et la femme. On vit dans un état environné d’effondrements, petit à petit de délabrements ... mais il y a une maison qui reste et qu’il importe de tenir propre et aérée c’est le langage. » Christian Bobin

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« Ce qui me navre, ce sont les gens qui trouvent encore le moyen d’oublier les mots justes, la fragilité, l’humilité, le rien … qui détruisent ou manipulent le langage, notre maison. 
… et je souris lorsqu’on me donne des leçons de vie avec le langage dénaturé du grand commandeur ou de l’intolérance. »

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« La vie est bien là, présente, juste avant le réel. Après chacun verra ce qu’il en fera. » 

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REMERCIEMENTS

Je remercie, les Pompiers de Paris, les Urgentistes, le SAMU, les hôpitaux de Paris, la Police de Paris, la DGPN, notre Maire, Monsieur René Galy Dejean, son Premier Adjoint, Philippe Goujon et ses adjoints, la Préfecture de Police qui ont su nous sauver de cette situation dramatique et d’avoir déclenché le plan ORSEC.

Je remercie, celles et ceux qui m’ont aidés dès la première heure, qui m’ont donné un vêtement, de l’affection, un abri. Celles et ceux qui m’ont soutenu matériellement, spirituellement et psychologiquement. Les proches, les amis de la vie et du travail. Quelle belle solidarité !

Grâce à notre Collectif des victimes du 45 rue Lecourbe, nous nous sommes tenus les coudes et nous avons pu faire avancer la Prévention de ce genre d’accident dramatique au GAZ avec les associations nationales comme la FENVAC.

Je remercie aussi les institutions : la mairie du 15ème (cellule de crise), le Tribunal de Grande Instance de Paris, nos avocats, les hôpitaux de Paris.

Je remercie l’aide post-traumatique qui m’a été apporté pendant plus d’une année avec le professeur Patrice Louville à l’hôpital Necker. (suite attentat Port Royal)

Je remercie les inconnus qui nous soutenus et aidés dès le premier jour.

Je remercie les médias, les photographes.

Merci à tous mes amis si chers et en particulier mon amie Catherine Baron qui m’a accueillie chez elle pendant deux mois et qui a supporté mon caractère encore traumatisé. Je ne l’oublierai jamais et je ne l’oublie pas.

Je ne remercie pas celle - éloignée du drame - qui a bien connu cet appartement pour avoir partagé quelques beaux moments avec moi et qui ne se s’est jamais manifestée pour avoir de mes nouvelles … Cela m’a beaucoup affecté, une blessure supplémentaire. Je ne comprends pas cette indifférence inutile. Une sorte de trou dans ce beau tissu de solidarité. Elle était forcément au courant. Comme si ma disparition l’arrangeait ...


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Texte du film :

Extrait de la voix de Guy Olivier :

« Philippe est mon ami, dans la vie quotidienne, il est d’une très grande discrétion, j’apprécie beaucoup ses silences, avec parfois de brusques envolées de merle chanteur.
Dans certaines conditions cependant, Philippe écrit, il filme et même … il parle. »

Extrait du cahier, écrit le lendemain de l’accident de peur de perdre la mémoire :

« En prenant tranquillement mon bain, à 8h30, le jeudi 04 septembre, au matin, - la rentrée scolaire - revenu d’un séjour chez les moines trappistes où j’avais passé plusieurs semaines et nu dans l’eau calme de ma baignoire, bref j’étais bien … même très bien, lorsque … BOOUM !!! »

Extrait de la voix de Guy Olivier :

« Le mainate est un oiseau siffleur, noir au bec orangé, c’est un frugivore. Dans son milieu naturel en Malaisie, il chante. Cependant dans certaines conditions de stress, ou de grandes inquiétudes, il peut imiter les sons qu’il entend et notamment la voix humaine.
Par exemple privé de liberté, en captivité, il parle … »

Extrait du cahier, écrit le lendemain de l’accident de peur de perdre la mémoire :

« on a toujours le désir de partir un jour … comme çà sur un coup de tête, libéré de toutes contingences ou de poids matériel. Mais on hésite, on est pris par les réalités quotidiennes, etc on remet çà au lendemain. Ou alors on part vraiment définitivement dans l’au-delà … et il est trop tard pour l’escapade terrestre.Pas de chance, il n’y a pas d’événements réels, vivables … »