L’oiseau bleu-granit

un film de Philippe Troyon - PORTRAIT SIMPLE

ALLAIN LEPREST L’OISEAU BLEU GRANIT


« La capitale c’est le milieu.. et les pétales c’est la banlieue » Allain Leprest

VOIR AUSSI > Allain, l’ami

Comment filmer un chanteur, comment parler d’un artiste ? En 1994, Allain Leprest m’a fait entrer dans son univers, dans sa « maison ». Sa maison, c’était partout, c’était la rue, le bistrot, la scène, la mer, son appartement. C’était l’amitié. Son amitié, avec une confiance quasi acquise, lorsqu’elle était partagée avec quelques verres de vin rouge [la mer boit les marins], avec quelques jeux à gratter, avec son épaule, une cigarette. Je ne connaissais pas Allain. Je l’ai connu grâce à notre ami Emmanuel Michaud, son ange-gardien de l’époque. Allain m’est tombé dessus comme une pluie lourde et rafraichissante. Il est tombé dans mon coeur, sur mon front. Ce fut un choc. C’était une belle époque, celle des concerts, de l’Olympia ... Ce modeste document montre surtout l’être qu’il était en 1994. Comme le disait une dame de France 3 Normandie : « çà ne casse pas trois pattes à un canard ». A l’époque je ne savais quoi répondre. Comme dit Allain dans sa chanson : « à quoi sert à quoi ? ». Tout ce que je peux dire, c’est que ce qui compte dans ce court portrait, c’est qu’Allain existe... et que peu de gens encore hélas, ne connait cet homme unique en son genre. Je donne à « boire » ce petit film grâce aux moyens numériques d’aujourd’hui, sans me demander ce que çà vaut. Allain était chanteur, peintre, ami des amis, la plume de nos plus grands interprètes. Il nous a quitté un mois d’août 2011, dans le petit village de son ami Jean Ferrat. Philippe Troyon


dessin d’Allain sur papier canson
"pendant le tournage"


Allain Leprest & Emmanuel Michaud


LEPREST / FERRAT

LEPREST / HIGELIN


A Antraigues avec Claude Nougaro, Hélène Baissade, Allain Leprest et Jean Ferrat.
(crédit photo : Nadette Etienne)


A ECOUTER >

LEPREST SYMPHONIQUE : LES DERNIERS ENREGISTREMENTS D’ALLAIN
ALLAIN LEPREST released by TACET


Leprest symphonique sera créé à Nantes, vendredi 25 janvier, avec Clarika et Sanseverino, qui font vivre la poésie de ce parolier de talent. Ses textes « sont des merveilles », assure Romain Didier, à la baguette avec l’ONPL.

Jean d’Ormesson disait d’Allain Leprest qu’il était « le Rimbaud du XXe siècle  » . « C’est dire ! Car d’Ormesson n’était pas vraiment un gauchiste … » glisse en riant au téléphone Romain Didier, frère de cœur d’Allain Leprest, ce poète et chanteur français méconnu, admiré par Ferrat, parolier de Gréco. « Les textes de Leprest sont des merveilles qui parlent des gens et des choses simples. Il avait le talent de les rendre universels. »

Les bistrots, les rencontres…

Ciselés, sensibles, ils racontent les bistrots, les rencontres, la mélancolie. Ils vont briller « dans un nouvel écrin » , enveloppés par les cordes et les cuivres de l’Orchestre national des Pays de la Loire.
Allain Leprest le communiste, flamboyant interprète, aurait sûrement aimé vivre ce moment. « Il était loin de ce monde mais ça l’attirait… Avant sa disparition, il avait envie, pour une fois dans sa vie, d’enregistrer avec un orchestre symphonique  » , raconte son ami Romain Didier. L’écorché vif s’est suicidé en 2011 pendant un enregistrement avec l’ensemble orchestral des Hauts-de-Seine.
Funambule désespéré

Romain Didier a retenu des titres de cet album paru à titre posthume et d’autres chansons, réorchestrées pour monter Leprest symphonique, nom du spectacle d’une heure trente porté par l’ONPL avec, pour interpréter les mots du funambule désespéré, Clarika, Sanseverino et Cyril Mokaiesch. « Je suis né dans une famille de musiciens classiques. Ce projet pour moi, c’est de l’émotion à tous les niveaux… » La première aura lieu vendredi 25 janvier à Nantes. On a hâte.

Vendredi 25 et samedi 26 janvier, à 21 h et dimanche 27 janvier, à 17 h, Leprest symphonique , salle Paul-Fort à Nantes. Tarifs : de 16 à 27 €. Puis en tournée en région à partir de juin : Angers, Ancenis, Pornichet, Montaigu…

Magali Grandet


TEXTE AUDIO-TRANSCRIT « A L’OREILLE » PAR NOTRE AMI : PATRICK BARILLET

VOIR AUSSI SUR YOU TUBE
https://youtu.be/bRpSd14GY3s

Introduction : Vagues déferlantes rugissantes, sur la plage ....puis en surimpression
Allain remonte de la grève..

Entretien :
"Je suis né dans le Cotentin, et puis c’est vrai que les marins boivent, euh, la mer boit les marins...c’est très rigolo tout ça. Moi j’aime bien tout ce qui est liquide, tout ce qui est transparent, tout ce qui est diffus, tout ce qui coule entre les mains, tout ce qui salive en quelque sorte quoi... Je pense que c’est tout ce qui peut rester de nous, et c’est bien..."

(Extrait : « Il pleut sur la mer » par Allain Leprest)

Entretien :
« Il pleut sur la mer » , c’est une chanson qui parle d’abord du Cotentin qui est mon pays de vacances d’enfance, et c’est un pays que j’aime profondément .. Parce que j’aime les couleurs, j’aime le sable sale, les vieux bunkers, les ciels gris.. les.. la mer-mère, mer-veille comme dit Nougaro. C’est d’abord ça, c’est d’abord un climat et que je.. que j’aime bien voir, que j’aimerais bien écrire plus souvent peut-être, que.. peut être en prose un jour mais enfin.. Il y a une phrase qui dit « Il pleut toujours où c’est mouillé »... c’est une phrase qui est assez juste.. la misère appelle la misère souvent.. mais je n’ai pas voulu forcément penser à ça. Mais c’est beau, quand il pleut sur la mer..

(Extrait « Il pleut sur la mer » par Allain Leprest) sur images de déambulation dans la la ville..

Entretien :

Je suis quand même profondément marqué par la banlieue, parce que pour moi ce n’est ni une contre-culture, ni une culture en marche, c’est une culture, toute bête et toute simple.... Je pense que, toute capitale a rejeté autour d’elle des... des morceaux, une certaine âme d’elle même. Et tout provincial que je suis, j’habitais en banlieue, et il se trouve qu’aujourd’hui j’habite en banlieue parisienne, mais je retrouve les même gens qui à l’époque travaillaient, et puis des gens qui aujourd’hui ne travaillent plus, mais qui ont gardé une espèce de gouaille, de hauteur, sur la capitale qui se croit tout permis, sur euh.. je disais tout à l’heure avec un pote en cherchant des idées.. je disais.. « La capitale c’est le milieu.. et les pétales c’est la banlieue ».. Je crois que c’est une image, c’est un scoop ça !

(Extrait « Le copain de mon père » sur des images de quartier, de bar et de verres de bières partagés)

Entretien :

"J’aime les cafés parce que c’est mon église, c’est mon bureau à la fois. J’aime bien y écouter les gens, y voler des paroles. C’est les gens qui écrivent leurs chansons. Nous, on est là, on est des scribes, on récupère et puis on en fait quelque chose, mais c’est de magnifier et de leur redonner après. Et c’est peut être comme ça que se produit cet échange étonnant, que produit la chanson, quoi, entre les gens et ce.. entre le public et le chanteur quoi, sans ganser quoi.. Je pense, c’est quand les gens se sentent, se reconnaissant dans une chanson, qu’elle soit drôle, qu’elle soit... pathétique euh. Je pense que c’est le seul remerciement qu’on peut en avoir, quoi....
(sur des images d’Allain Leprest, « clope au bec », en train d’écrire....) ..."

Entretien :

"Mais les chansons, on ne sait jamais quand elles naissent, en fait, ,euh.. ça met des fois très longtemps à s’écrire , à naître.. à sortir. Alors je ne sais jamais jalonner le moment où.. ce sont des petits mots d’existence (sous titrage avec l’écriture d’Allain : « Les voir voler »), ce qui m’intéresse , c’est de vivre le jour d’après quoi, je (sous titrage avec l’écriture d’Allain : « n’est pas commun » ») ne pense jamais à un concept, à une histoire. Il y a probablement toujours un petit retour vers l’enfance, c’est pas du passéisme ( sous titrage : « dans »), ou de la nostalgie. Je pense que c’est important d’avoir de la distance pour parler des choses, pour en reconstruire d’autres. Mais j’aimerais bien certainement travailler ( sous titrage : « le métier » ) dans un style musical différent. Je pense que.. qu’il ne faut pas.. il y a des formules musicales qui me plaisent beaucoup. Les murs sont tombés en musique. Il y a dix ans, je veux dire, il était inconcevable que la chanson à texte se mélange au jazz, et que le jazz se mélange au rock alternatif.. etc.. et tout. Aujourd’hui on peut tout « bouillir », tout ça ! Et ça reste de la musique.. Ca reste de la chanson."

(Extrait de « Sur les pointes » sur des images d’Allain dans son appartement aux murs « peints »)

Entretien :

"Dire que je fais de la peinture, ce serait vraiment très prétentieux, la peinture c’est quelque chose qui est fascinant quoi... Je fais un métier qui, paradoxalement qui est assez .. heu.. assez contradictoire. .Je veux dire par là que la peinture, elle me sert quand je n’ai rien à dire. C’est les mots qui manquent en quelque sorte, et pour avoir... pour être admiratif devant les peintres, je sais que ce sont des gens silencieux. Et moi je suis un perpétuel bavard, comme tous les saltimbanques quoi... Ca produit une peinture un peu bizarre, et... je considère que je peins pour moi. C’est pas tellement une peinture à montrer, à preuve que j’ai plutôt tendance à peindre sur les murs, donc c’est pas des choses qui se déménagent. Encore une fois , c’est des choses pour combler des vides quoi, pour ne jamais être inoccupé, parce qu’il arrive que quand on écrit des chansons, qu’on ait plus rien à dire. Mais on s’aperçoit que des formes, des couleurs, arrivent à « mastiquer » tout ça.....

(Extrait de « Il pleut sur la mer » par Allain Leprest »

Entretien :

"J’aime pas les musiciens fonctionnaires quoi. Certains, quand quelque chose se passe, quand la complicité se noue, quand on sent qu’y’a un travail d’amour, un espèce de travail de forme, d’archive, se forme autour de la chanson, tout se forme... Il faut pour ça.. heu bien les connaître, il faut qu’ils nous connaissent bien quoi."
(passage musical Jean Louis Beydon au piano, et dans l’ombre, contrebasse et accordéon) (Musique de « Sur les pointes »
Il se trouve que j’en ai trois qui ne parlent pas musique quoi, j’ai pas l’impression qu’ils font de la musique « derrière », j’ai l’impression qu’on traite la même histoire ensemble."

(images de vagues, de mer)
Entretien :

"Quand j’ai démarré ce métier moi.. D’abord je ne pensais pas, moi tout jeune, que ça pouvait même être un métier. La galère elle reste plutôt pour...ça me paraît, sans être..., sans parler ancien quoi, .. dire à un chanteur qui aurait 20 ans aujourd’hui, ça serait probablement plus difficile que l’époque que j’ai traversée où il existait encore des cabarets, des premières parties, des gens qui se déplaçaient encore réellement dans les salles de spectacle, des producteurs petits ou moyens.. ; et y’a peu de jeunes qui... qui arrivent à trouver des pinces-monseigneur pour ouvrir des portes quoi. Donc heureux, heureux de vivre de ce métier, d’avoir réussi à me... en vivre... à me faire écouter quoi...."

Le court métrage se termine ( en bande son :la chanson « D’Osaka àTokio » chantée par Allain Leprest ) en une longue séquence où Allain peint son oiseau bleu-granit sur un rocher de la digue du bord de la plage.... Superbe ! Merci Philippe !