ODeL : la philosophie
L’utilité de l’observatoire documentaire en ligne
C’est une affaire de sérenpidité
[La sérendipité est, au sens strict original, la conjonction du hasard heureux qui permet au chercheur de faire une découverte inattendue d’importance ou d’intérêt supérieurs à l’objet de sa recherche initiale, et de l’aptitude de ce même chercheur à saisir et à exploiter cette « chance ».]
MARS 2020 - COVID
Dans ce contexte absolument tragique que nous vivons toutes et tous, dans ce principe de réalité qui nous rappelle si besoin était que la vie est fragile, que l’oubli de la mort n’est pas une solution à l’idée de notre finitude toujours repoussée aux calendres grecques, il y a des êtres merveilleux qui, dans ces circonstances, se dévouent pour lutter contre une agression soudaine dans nos vies tranquilles, pour sauver d’autres vies, des inconnus qui sont en détresse.
J’ai toujours pensé que l’observatoire documentaire n’était pas une école de cinéma mais surtout un « partage » qui prévient de l’isolement, de la solitude, et de la toute-puissance. Il amène à l’humilité, au désir de comprendre et servir l’autre. Et aussi à percevoir entre les lignes ou les images, la beauté des choses.
Est arrivé ce que je n’attendais plus : un observatoire documentaire « spontané ». Il est arrivé grâce au travail entrepris par celles et ceux qui sont passés par cette démarche de l’observatoire documentaire. Car dans ces observatoires documentaires, on se posait souvent la question du sens de notre travail, de notre vie, du temps, des espaces. Cela a appris à un groupe de travail à ne pas « subir » les événements mais à les observer, à les analyser, à les contrôler, loin de toute panique, loin de toute émotivité.
C’est ainsi qu’une professionnelle réquisitionnée dans une des quatre crèches ouverte spécialement pour les parents eux mêmes réquisitionnés dans les hôpitaux ou dans les services de premières nécessités a eu le désir de « documenter » cette période exceptionnelle en filmant de façon réfléchie et cinématographique des situations diverses à l’intérieur de la crèche avec l’accord des personnels et des parents. Il s’agit de la crèche Henri Barbusse à Romainville. Son outil : le téléphone portable.
Lorsqu’elle m’en a parlé désirant partager avec moi ce qu’elle vivait, je lui ai demandé de m’envoyer par WhatsApp ses images et ses sons. Quelle ne fut pas ma surprise de constater la qualité de ses images et de ses sons, de l’intelligence de sa place de cinéaste (amateure) qui d’elle-même a su réinstaller les conditions d’un véritable Observatoire Documentaire en incitant ses collègues à filmer également : situations et entretiens.
J’ai collectionné, sauvegardé toutes ce corpus de rushes dans un disque dur dédié, pour pouvoir créer des petits montages pédagogiques sur le travail dans une crèche réquisitionnée et en confinement. Ces documents deviennent de véritables archives et une mémoire collective à partager.
Avec ces professionnelles, nous avons des échanges réguliers par internet – en ligne – et je peux donner des axes de travail, des conseils, faire des remarques constructives sur les différents plans filmés. Ce sont une sorte de cours en ligne tels les « moocs » universitaires. Tous nos échanges sont également conservés comme un carnet de bord.
Il me paraît très important de documenter la réflexion autour d’un événement qui se passe dans le présent, plutôt que de revisiter un événement aussi important que celui que nous vivons avec des écrits, des images et des sons que nous n’avons pas produit nous mêmes.
C’est tout à l’honneur des services départementaux que de nous en donner l’occasion surtout après avoir préparer les personnels à cet état d’esprit. Que le département en soit chaleureusement remercié.
Pour notre part, Périphérie, centre de création cinématographique y trouve toute sa place. Cela croise notre métier de documentaristes et les services d’un département. Notre travail est de savoir saisir ce qui « tremble », ce qui bouge, ce qui se transforme.
C’est ainsi qu’est née l’idée de créer des observatoires documentaires en ligne pour celles et ceux qui ont déjà été formées à cette démarche. C’est une suite logique de leur premier observatoire pour qu’elle garde cette approche non pas comme un acquis provisoire mais comme un acquis pérenne. Les outils numériques actuels nous permettent de le faire. Il serait bien de créer un « maillage » entre plusieurs lieux de travail, de constituer un comité de suivi avec d’autres collègues et des chercheurs. Prendre en main ses propres outils de réflexion collective.